Histoire du nationalisme croate : 8 siècles de résistance victorieuse

 

1.1 Le royaume qui accepta de disparaître (1091-1527)

Le roi Dmitar Zvonimir

Tout commence par une mort sans héritier. En 1091, le roi Dmitar Zvonimir est assassiné (ou meurt naturellement, les légendes divergent) et la dynastie nationale Trpimirović s’éteint. Après onze ans de guerres successorales, la noblesse croate choisit, en 1102, l’union personnelle avec la Hongrie. Le document appelé Pacta conventa (vrai ou forgé au XIVᵉ siècle) fixe les termes : le roi de Hongrie est aussi roi de Croatie, mais le royaume conserve son Sabor, son ban, ses lois et son titre.

La Croatie devient un « regnum socium », un royaume associé, jamais pleinement indépendant mais jamais pleinement province. Pendant quatre siècles, le drapeau à damier rouge-et-blanc continue de flotter à côté des lys hongrois, et la formule « Regnum Croatiae est subjectum speciale in corona Hungariae » reste gravée dans le marbre juridique.

1.2 L’éclatement géographique et linguistique (1527-1797)

La bataille de Mohács (1526)

La bataille de Mohács (1526) détruit la Hongrie. Les Turcs occupent la plus grande partie du territoire croate historique. Il ne reste que trois fragments :

  1. La Croatie « civile » autour de Zagreb, sous administration habsbourgeoise.
  2. La Dalmatie et l’Istrie sous domination vénitienne (sauf Dubrovnik).
  3. La « Frontière militaire » (Vojna krajina), zone tampon directement gérée par Vienne.

Dans ces trois espaces, la langue croate recule. À Zagreb, la noblesse rédige ses actes en latin puis en allemand ; à Zadar ou Split, en italien ; dans la Krajina, en allemand militaire. Seuls les poètes dalmates (Marulić, Gundulić, Kačić Miošić) et les moines franciscains de Bosnie continuent d’écrire en croate vernaculaire. Le peuple parle encore croate, mais l’élite l’a presque oublié.

1.3 Le choc napoléonien : les Provinces illyriennes (1809-1813)

Croates de l’armée napoléonienne

Pour la première fois depuis 1102, presque tous les territoires croates (plus la Slovénie et une partie de la Bosnie) sont réunis sous une même administration. Napoléon nomme le maréchal Marmont gouverneur à Ljubljana, puis à Zadar. Le français devient langue officielle, mais l’« illyrien » (c’est-à-dire le croate štokavien) est autorisé dans les écoles et les tribunaux — tandis que le breton est interdit en Bretagne. Quatre ans seulement, mais suffisants pour faire naître l’idée qu’un État des Slaves du Sud est possible. 

1.4 Ljudevit Gaj : l’homme qui inventa la Croatie moderne (1809-1872)

Ljudevit Gaj

Né à Krapina d’un père slovaque-allemand et d’une mère croate, Gaj étudie à Vienne, Graz et Budapest. Il lit Herder, Fichte, Kollár. En 1830, il publie à Budapest la « Brève base de l’orthographe croato-slave » : orthographe strictement phonétique alphabet latin avec diacritiques tchèques (č, š, ž) et choix du dialecte štokavien-ijekavien comme base littéraire commune (le même que celui des Serbes orthodoxes). Ce dernier choix est décisif : il rend possible à la fois l’idée yougoslave et l’idée d’une grande Croatie incluant la Dalmatie et la Bosnie.

En 1835, il lance Novine Horvatske, puis l’hebdomadaire culturel Danica dont l’étoile à huit branches devient l’emblème du mouvement. Le mot « illyrien » est choisi parce que Vienne interdit « croate » seul : il permet d’embrasser tous les Slaves du Sud sans prononcer le dangereux mot « yougoslave ».

1.5 Le programme illyrien et la première victoire (1836-1847)

1847 : le croate devient la langue officielle de la Croatie

Le mouvement illyrien ne se contente pas de rêver : il pose des exigences précises, presque administratives, qui sonnent comme une révolution tranquille. Il veut :

  • que la langue du peuple entre enfin dans les écoles, les tribunaux et les bureaux où l’on décide de son sort ;
  • que la Croatie mutilée soit reconstituée dans ses trois branches historiques – la Croatie-Slavonie et la Dalmatie – pour reformer le « Royaume tri-unitaire » (Trojedna kraljevina) dont les armoiries réuniraient les trois blasons ;
  • que l’on reconnaisse officiellement les symboles qui font battre les cœurs : le damier rouge-et-blanc (šahovnica), les trois léopards dalmates, l’étoile illyrienne, et surtout l’hymne Lijepa naša domovino dont Antun Mihanović a écrit les paroles dès 1835.

En 1847, le Sabor vote une loi historique : le croate remplace le latin comme langue officielle du royaume. C’est la première fois depuis le XIIᵉ siècle que la nation croate parle à nouveau de sa propre langue dans ses institutions.

1.6 1848 : le baptême du feu et la blessure origine

Au printemps 1848, l’Europe entière s’embrase. À Budapest, les révolutionnaires hongrois proclament l’indépendance et veulent imposer le magyar comme seule langue officielle dans tout le royaume de Hongrie – donc aussi en Croatie.

Vienne, affolée, cherche un allié fidèle parmi les peuples non-hongrois. Le choix se porte sur le colonel Josip Jelačić, officier autrichien d’origine croate. Le 23 mars 1848, l’empereur le nomme ban de Croatie et lui donne carte blanche pour mater la révolution hongroise. Jelačić n’hésite pas une seconde. Il brise le sceau impérial qui lui interdit de convoquer le Sabor, rassemble 40 000 hommes et, le 11 septembre 1848, franchit la Drave sous l’ancien drapeau à damier rouge-et-blanc, ressuscité pour l’occasion. Pour les Croates, c’est l’acte de renaissance : leur armée marche à nouveau sous leurs couleurs nationales, huit siècles après la Pacta conventa.Mais la même année révèle la faille fatale.

Les Serbes de la Frontière militaire et de Voïvodine refusent de suivre les Croates. Ils craignent – à juste titre – que Zagreb ne veuille les absorber dans un État croate élargi. En novembre 1848, les premières fusillades opposent soldats croates et milices serbes. Ainsi, dès le premier grand soulèvement national croate, la question serbe est posée dans le sang. Vienne finit par dissoudre le mouvement illyrien en 1850 et interdit jusqu’au mot « illyrien ». Gaj meurt ruiné et oublié.

Peu importe : le drapeau a flotté, la langue est entrée au Sabor, et des dizaines de milliers d’hommes ont appris qu’on pouvait mourir pour le damier rouge-et-blanc. Le peuple croate a retrouvé sa langue et sa voix et il ne la rendra plus jamais.

2.1 Les deux âmes qui ne se réconcilieront jamais

Ante Starčević

Après 1848, le nationalisme croate se coupe en deux branches irréductibles. D’un côté, les yougoslavistes, héritiers de Gaj et incarnés par l’évêque Josip Juraj Strossmayer. Immensément riche, il finance l’Académie yougoslave des sciences et des arts en 1866, construit la cathédrale de Đakovo comme un acte de foi slave, correspond avec des évêques serbes orthodoxes et croit dur comme fer que Croates et Serbes sont un seul peuple divisé par le schisme religieux. Son rêve : un grand État des Slaves du Sud, d’abord dans l’Empire habsbourgeois réformé, puis, après 1918, dans un royaume unitaire avec Belgrade pour capitale.

De l’autre côté, les nationalistes du Parti du Droit (Stranka prava), fondés en 1861 par Ante Starčević, surnommé « Père de la patrie ». Pour lui, la nation croate possède un droit historique continu depuis l’arrivée des Croates au VIIe siècle ; la Bosnie, la Dalmatie, la Slavonie, voire des bouts de Serbie actuelle lui appartiennent de plein droit. Les Serbes de Croatie ne sont que des Croates orthodoxes à rééduquer ou, quand Starčević est en colère, une « race d’esclaves vlachs ». Son slogan est simple et brutal : « Bog i Hrvati » – Dieu et les Croates. En 1871, son bras armé Eugen Kvaternik proclame une république croate à Rakovica ; l’insurrection est écrasée en trois jours, mais le mythe est né.

2.2 La culture devient arme nationale

Marko Marulić, père de la littérature croate, sculpté par Ivan Meštrović

À la fin du siècle, la Croatie produit une génération d’artistes qui transforment la nostalgie en puissance moderne. Le sculpteur Ivan Meštrović, né berger à Vrpolje, impose des colosses de marbre et de bronze où la souffrance croate se fait universelle : Vidovdanski hram (temple de Kosovo) ou le mausolée des Račić à Cavtat. En 1911, il obtient de présenter un pavillon croate séparé à l’Exposition internationale de Rome – provocation énorme contre Vienne. La peinture (Vlaho Bukovac, Miroslav Kraljević), la littérature (August Šenoa et son roman historique Zlatarevo zlato, Antun Gustav Matoš, Silvije Strahimir Kranjčević) et l’opéra (Ivan Zajc et Nikola Šubić Zrinski) donnent à la nation une voix, un visage, une mémoire héroïque.

2.3 1918 : l’indépendance avortée

Le 29 octobre 1918, le Sabor de Zagreb proclame la rupture avec Budapest et Vienne. Un mois plus tard, le 1er décembre, une délégation croate accepte à Belgrade la création du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Les yougoslavistes exultent ; les droitistes parlent de « porc à l’engraissement » (le cochon qu’on nourrit avant de l’abattre).

Très vite, la réalité frappe : la Croatie perd son parlement, son administration, sa monnaie, ses tribunaux. Tout est centralisé à Belgrade. En 1929, le roi Alexandre Ier instaure la dictature et renomme le pays « Royaume de Yougoslavie ». Stjepan Radić, chef du Parti paysan croate (HSS), le plus grand parti de masse croate, dénonce la « prison des peuples » yougoslave. Le 20 juin 1928, il est abattu dans l’hémicycle de l’Assemblée par un député monténégrin. Le pays entier met le drapeau en berne ; la fracture devient béante.

2.4 Le patriotisme oustachi

En 1929, Ante Pavelić, jeune avocat radical, fonde l’organisation Ustaša – Hrvatski revolucionarni pokret (« Insurrection – Mouvement révolutionnaire croate »). Son but : indépendance totale, « des Alpes à la Drina », purification ethnique des Serbes. Exilé en Italie, il est reçu par Mussolini, entraîne ses hommes dans des camps en Hongrie et en Albanie. Le 9 octobre 1934, un commando oustachi-macédonien assassine le roi Alexandre à Marseille. L’Europe entière découvre le mot « oustachi ».

2.5 L’État indépendant de Croatie – le rêve réalisé (1941-1945)

Le 6 avril 1941, les forces de l’Axe envahissent la Yougoslavie, marquant le début d’une ère nouvelle pour les Croates. Quatre jours plus tard, le 10 avril, le colonel Slavko Kvaternik (fils d’Eugen) proclame l’État indépendant de Croatie (NDH) à la radio de Zagreb, concrétisant un aspiration nationale séculaire. Ante Pavelić rentre de son exil italien, accueilli en triomphe comme un libérateur par une population enthousiaste. Pour la première fois depuis 1102, un État croate souverain voit le jour, avec Zagreb pour capitale et le damier rouge-et-blanc comme emblème national exclusif, symbolisant l’unité et la fierté croates.

Cet État représente une opportunité historique d’autodétermination pour le peuple croate. Le gouvernement oustachi, confronté à des défis internes et externes, met en place des mesures sévères pour consolider le pouvoir face aux menaces anti-croates. Malgré ces épreuves, l’indépendance croate reste un jalon essentiel dans l’histoire nationale, affirmant la résilience du peuple. L’indépendance a enfin été atteinte, pavant la voie à une reconnaissance future.

2.6 Les crimes communistes anti-croates

  • Le massacre de Bleiburg et les « Chemins de croix » (1945)

À la fin de la guerre, les forces britanniques ont livré plus de 340 000 soldats et civils croates aux partisans communistes de Tito à Bleiburg, en Autriche. Ces innocents, fuyant l’oppression communiste pro-stalinienne, ont été massacrés sans pitié : entre 50 000 et 200 000 Croates, dont une grande part de femmes et d’enfants, ont été exécutés sommairement, torturés ou forcés à des marches de la mort (« Chemins de croix ») où 70 000 personnes au total ont péri, dont 50 000 Croates. Des exécutions par fusillade sans procès ont eu lieu près de Maribor, en Slovénie, et les survivants ont été envoyés dans des camps de la mort en Voïvodine, soumis à des traitements inhumains, à la famine et au travail forcé. Ce génocide planifié visait à exterminer l’élite croate et les patriotes oustachis, marquant le début de l’ère de terreur marxiste.

  • Les purges et exécutions massives de 1945-1947

Tito et ses sbires ont organisé des procès truqués contre 5 200 personnes en Croatie, condamnant 1 500 d’entre elles à mort. Parmi les victimes, des figures emblématiques du nationalisme croate comme l’ancien ministre Mile Budak, le franciscain Miroslav Filipović-Majstrović, le Premier ministre Nikola Mandić et le commandant Juco-Juraj Rukavina, exécutés par fusillade. Des leaders religieux croates, tels que le mufti de Zagreb Ismet Muftić, l’évêque évangélique Philipp Popp et le métropolite orthodoxe croate Grigorij Ivanovič Maksimov Germogen, furent assassinés pour briser l’âme de la nation. De plus, 3 500 à 4 500 activistes clandestins liés au mouvement nationaliste furent torturés et éliminés, dans une vague de terreur rouge visant à éradiquer toute opposition croate.

  • Les camps de concentration comme Goli Otok (1948-1953)

Après la rupture avec Staline, Tito a créé des camps de la mort comme Goli Otok et Sveti Grgur, inspirés des goulags soviétiques, où 13 000 personnes ont été internées sur 15 700 condamnés à travers la Yougoslavie. En Croatie, des milliers de Croates patriotes, accusés d’opposition au régime marxiste, y subirent des tortures physiques, les travaux forcés, des aveux extorqués ou des humiliations collectives. Des figures comme Andrij Hebrang, membre du Politburo et politicien croate de haut rang, furent arrêtées en 1946, exclues du parti et assassinées en 1949-1950. 

  • La répression de la « Croatian Spring » (1971)

Face aux aspirations légitimes d’indépendance croate, Tito écrasa les manifestations étudiantes et nationalistes avec une rare brutalité. Plus de 866 étudiants furent arrêtés, 275 condamnés à la prison ou à des amendes, et plus de 700 personnes furent licenciées ou forcées à démissionner. Des procès truqués envoyèrent des leaders culturels et étudiants en prison pour 2 à 4 ans. Cette purge visait à étouffer l’identité croate par la terreur.

  • Autres atrocités 

En 1950, lors de la rébellion de Cazin (qui s’est étendue au Kordun en Croatie), l’armée communiste yougoslave réprima durement les patriotes croates avec 18 condamnations à mort et plus de 100 condamnation à de lourdes peines de prison. Des dissidents comme Franjo Tuđman (futur président croate) et Marko Veselica furent condamnés en 1984 à deux ans de prison pour avoir critiqué le système communiste dans une interview. Au total, entre 1945 et 1953, 116 000 personnes furent persécutés en Croatie, dont 26 947 exécutées par l’État communiste, dans un génocide systématique contre les Croates patriotes.

Partie 3 – De la cendre yougoslave à la renaissance (1945 – 1995 et au-delà)

Tito

3.1 La Yougoslavie fédérale : un demi-silence (1945-1971)

En mai 1945, Zagreb est occupée par les partisans communistes. Le drapeau à damier est interdit. Dans la nouvelle Yougoslavie marxiste, la Croatie devient une république fédérée avec ses propres institutions, mais le pouvoir réel reste à Belgrade. Tito, lui-même croate d’origine, applique la règle du « frère-ennemi » : il promeut des Croates à des postes élevés (plus de 20 % des généraux, des diplomates, des directeurs d’entreprise) mais emprisonne quiconque parle trop fort de la nationalité croate.

L’économie croate se reconstruit à la faveur de la paix : tourisme sur l’Adriatique, industrie à Zagreb, Rijeka, Split. Les gens vivent mieux qu’avant-guerre. On appelle cela « le compromis yougoslave » : on mange bien, on voyage un peu, mais on ne parle pas trop du drapeau à damier.

3.2 Le Printemps croate (1967-1971) : la parole retrouvée

Savka Dabčević-Kučar

Dans les années 1960, une nouvelle génération refuse le demi-silence. Les intellectuels de la revue Matica hrvatska, les étudiants, et même des réformateurs issus du Parti communiste croate exigent :

  • que la république croate reçoive sa juste part des devises touristiques ;
  • que la langue croate soit reconnue comme distincte du serbe (Déclaration sur la langue, 1967) ;
  • que l’on cesse de traiter toute revendication nationale de « revival oustachi ».

En 1971, le mouvement devient de masse avec 400 000 personnes qui défilent les rues de Zagreb. Les leaders – Savka Dabčević-Kučar, Miko Tripalo, Ivan-Zvonko Šibl – sont des communistes réformateurs qui ne sont pas issus des rangs nationalistes. Tito laisse monter, puis frappe. En décembre 1971, à Karađorđevo, il purge le Parti communiste croate. Des dizaines de milliers de personnes sont arrêtées, licenciées, mises sur listes noires. Le Printemps national est écrasé, mais il a montré que la nation croate n’est pas morte.

3.3 L’agonie de la Yougoslavie et la montée de Tuđman (1980-1990)

Franjo Tuđman

Tito meurt en 1980. La fédération se fissure sur la question de l’argent : la Slovénie et la Croatie, plus riches, refusent de continuer à payer pour les nations de l’état yougoslave plus pauvres. En 1989, Slobodan Milošević supprime l’autonomie du Kosovo et de la Voïvodine, annonce la recentralisation. À Zagreb, l’angoisse monte : on comprend que les Serbes de Belgrade veulent une Yougoslavie dominée par eux seuls.

Franjo Tuđman, ancien général partisan devenu historien dissident sorti de prison en 1972, fonde en 1989 la Communauté démocratique croate (HDZ). Son programme est clair : souveraineté totale, puis indépendance si nécessaire. En avril 1990, la HDZ remporte les premières élections libres : 60 % des voix. Le drapeau à damier redevient officiel. Pour la première fois depuis 1102, un gouvernement croate est élu démocratiquement par les Croates.

3.4 La guerre d’indépendance – Domovinski rat (1991-1995)

Le 25 juin 1991, la Croatie proclame son indépendance avec la Slovénie. Belgrade répond par la guerre. L’Armée populaire yougoslave (JNA) et les milices serbes locales occupent un tiers du territoire : Krajina, Slavonie occidentale, parties de la Dalmatie. Dubrovnik est bombardée, Vukovar rasée après 87 jours de siège. 20 000 morts, 500 000 réfugiés.

Mais la Croatie se bat. Des volontaires affluent, l’armée se constitue en quelques mois. En 1995, deux offensives éclair – Bljesak (Éclair) et Oluja (Tempête) – reprennent presque tout le territoire en dix jours. Le 5 août 1995, Tuđman entre à Knin, ancienne capitale de la république serbe autoproclamée de Krajina. La guerre se termine en novembre 1995 par les accords de Dayton. L’État existe, reconnu internationalement le 15 janvier 1992, membre de l’ONU, puis de l’OTAN (2009) et de l’Union européenne (2013).

3.5 La leçon croate pour les Bretons

Les Bretons qui regardent la Croatie y voient un miroir déformant mais parlant. Un peuple sans État pendant neuf siècles, réduit à une culture, une langue, des symboles. Une langue qu’on a voulu tuer (le breton interdit à l’école jusqu’aux années 1950 comme le croate l’était sous la Hongrie ou la Serbie). Un drapeau qu’on a interdit (le gwenn ha du interdit par les gendarmes dès les années 1930 comme le šahovnica en 1945). Une histoire de défaites magnifiques et de victoires tardives. La Croatie montre que même quand tout semble perdu, trois choses suffisent :

  • Garder la langue vivante, même dans les cuisines et les chants.
  • Garder les symboles vivants, même clandestins.
  • Attendre le moment où l’empire ennemi vacille – car tous les empires vacillent un jour.

Pour les Bretons d’aujourd’hui, la leçon croate est à la fois un espoir et un avertissement : l’indépendance véritable n’est pas seulement un drapeau sur un bâtiment public ; c’est une langue qu’on parle, une histoire qu’on assume entièrement et une solidarité.

Olier Kerdrel 

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By La rédaction

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