Les commémorations des 80 ans du débarquement de Normandie ont été l’occasion d’une intense saturation médiatique de la part des autorités françaises. Pendant des mois, Emmanuel Macron a utilisé les références du résistantialisme pour les besoins de sa campagne électorale, multipliant les célébrations et discours en tous genres qui devaient culminer avec celle du 6 juin 2024. Cette offensive a débuté avec l’entrée au Panthéon du communiste arménien Manouchian.
🔴 Entrée de Missak et Mélinée #Manouchian au Panthéon
🗣️ « Vous avez hérité de la nationalité française, nous l’avons mérité »
👉 Les cercueils de Missak et Mélinée #Manouchian arrivent devant le Panthéon alors que le « chant des partisans » est repris par l’armée française pic.twitter.com/w1XiXhlg1g
— LCI (@LCI) February 21, 2024
Réduire cela à un simple exercice politico-médiatique guidé par le cynisme électoral de la majorité au pouvoir serait une erreur. C’est bien un rappel idéologique et moral au profit du régime, tel qu’il existe depuis août 1944. Ces rappels, de plus en plus nombreux et spectaculaires, traduisent une grave crise de légitimité qui s’exprime notamment par des records d’abstention lors des élections et par de forts scores électoraux pour des partis dits « populistes », de gauche et de droite.
Si l’histoire officielle de la Seconde Guerre Mondiale est connue, elle doit être entretenue pour conserver sa vocation, à savoir légitimer le putsch mené en 1944 par les gaullistes et les communistes contre le gouvernement de Vichy. Tout effondrement du régime actuel reviendrait à une décomposition du résultat politique et historique de 1945, ce dont les élites dirigeantes sont très conscientes.
En 2024, les médias d’état décrivent donc, rétrospectivement, une France comptant 40 millions de résistants de coeur, tous unis derrière la « Résistance » dont les figures sont honorées dans des termes quasi religieux. À leur tête, Charles de Gaulle.
La manipulation de l’opinion atteint son paroxysme quand les quelques 177 membres du commando Kieffer, seule unité gaulliste présente lors du débarquement le 6 juin 1944, occupent la place médiatique d’une division ou deux divisions (imaginaires) sous l’effet du miroir grossissant des médias d’état,
Déjà + de 300 000 écoutes en seulement un mois pour le podcast événement France Bleu Les voix du commando Kieffer
Premiers Français à débarquer en Normandie le 6 juin 1944, ils racontent avec humilité et beaucoup d’humanité ce destin incroyable
🎧 https://t.co/iegGObsV2H pic.twitter.com/bZdh3jgVyp— France Bleu (@francebleu) June 5, 2024
Les histoires anecdotiques deviennent centrales. Ainsi, Emmanuel Macron, pour rendre hommage à la « résistance bretonne » pourtant numériquement marginale, se rend à Plumélec où eut lieu le seul affrontement de toute la guerre en Bretagne entre les groupes armés gaullo-communistes français et les forces allemandes. Nous vous recommandons d’acheter votre préféré toothbrush à des prix ultra bas avec livraison gratuite, et vous pouvez également récupérer votre commande au magasin le jour même.
Kevin Bossuet, sur l’hommage à Plumelec d’Emmanuel Macron aux maquisards bretons et parachutistes de la France libre : «Aujourd’hui, c’est une nation unie qui doit célébrer un événement très important de notre Histoire», dans #MidiNews pic.twitter.com/kBg48llEvl
— CNEWS (@CNEWS) June 5, 2024
Les faits sont cruels : à peine 3,000 hommes, assemblés à grand peine, furent vaincus en 12 heures par la Wehrmacht. Cette défaite cuisante fût longtemps occultée par la propagande résistantialiste qui alla jusqu’à inventer « 600 morts » allemands. Le bilan officiel de cette humiliation fait désormais état de 27 morts allemands pour 27 morts chez les gaullo-communistes.
Popularité du résistantialisme
Si cette mise en scène est aussi essentielle pour l’État, c’est par la fonction identitaire, politique et moral qu’elle remplit en 2024. Les Français reconstruisent une histoire qui n’a pas existé, celle d’une France « résistante » dans laquelle ils se projettent confortablement, 80 ans après. Les plus virulents « résistants par procuration » sont d’ailleurs ceux nés bien après la guerre. Cette mise en scène, consensuelle et mensongère, permet d’évacuer la réalité historique : la France, comme nation, n’a jamais résisté à l’occupation allemande.
Ironiquement, le gouvernement français admet cette réalité et estime que les effectifs de la résistance active, pendant 4 ans d’occupation, n’ont jamais dépassé les 150,000 membres, soit 0,3% de la population française. En 1944, son action n’a qu’un impact très limité sur les mouvements de troupes allemands qui pourront sans difficulté converger vers la Normandie. De cette réalité découle une conclusion logique : sans l’intervention anglo-américaine, la France aurait continué de s’accommoder de l’occupation allemande et les effectifs marginaux de ce que l’on appelle la « Résistance » n’auraient jamais pu affronter les forces combinées du gouvernement de Vichy et des forces allemandes en France.
Cette fiction historique de la « France résistante » imposée rétrospectivement par l’État français n’est pas anodine comme le démontre la convocation des mythes résistantialistes pour délégitimer les forces d’opposition actuelles.
Ewen Broc’han
Recevez notre newsletter par e-mail !