Pour bâtir un bloc politique breton en mesure d’avancer vers l’indépendance nationale, les nationalistes doivent analyser avec la plus grande attention les comportements des différents segments économiques et sociaux de la société bretonne afin de s’enraciner chez ceux qui sont les plus réceptifs à l’alternative nationale.
Notre contexte historique
Les nationalistes doivent avoir à l’esprit que la présente intégration de notre pays dans le système français n’est pleine et entière que depuis 1789. Auparavant, de 1532 à 1789, les institutions nationales de la Bretagne, états et parlement, avaient été préservées en dépit de l’annexion par la monarchie française. La politique de francisation systématique et coercitive remonte au 19ème siècle, mais n’a atteint sa pleine force que dans la seconde moitié du 20ème siècle.
La méthodologie choisie par l’État français rappelle celle de l’empire romain : acculturation, c’est-à-dire débretonnisation et francisation, contre intégration sociale. Ce n’est pas un hasard si c’est parallèlement au développement de l’état-providence hexagonal, après 1945, que nombre de Bretons ont vraiment rejeté leur identité ethnique, à commencer par leur langue. Avec près de 20% des actifs directement intégrés dans la fonction publique, sans compter les nombreux programmes sociaux assurés par l’État français, et une francisation systématique via l’école, ce système colonial de répression culturelle (le bâton) et de gratification sociale (la carotte) a fonctionné efficacement.
En réalité, les Bretons n’ont pas abdiqué leur conscience ethnique, ils l’ont seulement mis en veille comme on remise son fusil au placard. Toute défaillance généralisée de l’état-providence hexagonal entraînerait quasi immédiatement une rupture du contrat moral et politique qui lie actuellement les Bretons et l’État français. Une part non-négligeable de Bretons ne s’estimeraient plus liés à la France.
Secteur primaire et industriel
L’économie bretonne est diversement intégrée dans le système économique français, avec des degrés de dépendance plus ou moins forts. Les segments les moins dépendants de l’État, ou ceux écrasés par sa fiscalité, représentent les premières réserves naturelles de soutiens à la lutte pour l’indépendance de la Bretagne.
Les secteurs primaire et secondaire bretons (respectivement 2% et 14% des emplois avec près de 300,000 salariés en Bretagne historique) sont le premier objet du présent article.
L’agriculture (primaire) et l’agro-alimentaire (secondaire), en raison de leur faible capacité de transformation à forte valeur ajoutée, dépendent des groupes français pour les débouchés de leur production. L’agro-alimentaire (un tiers des emplois industriels) reste structuré selon le modèle de spécialisation voulu par l’État français après 1945. Il fournit par exemple 40% de l’alimentation pour les animaux de ferme de l’Hexagone. Les mécanismes de subventions publiques rendent les exploitants très dépendants de l’État français. Face à la concentration des exploitations que dicte actuellement l’État français, les intérêts divergents entre petits agriculteurs bretons, représentés par la Coordination Rurale, et les grandes coopératives dominées par les céréaliers français de la FNSEA, offrent au Parti National Breton un espace politique qu’il doit exploiter afin d’attirer à lui les agriculteurs qui veulent rééquilibrer le rapport de force en faveur des producteurs bretons.
Le secteur industriel des équipements mécaniques, très lié au secteur agro-alimentaire, est bien moins dépendant des grandes entreprises françaises que d’autres domaines de l’industrie et il peut percevoir favorablement le renforcement politique de la Bretagne face à l’État français, notamment dans l’agriculture, voulu par le PNB.
La pêche, grâce à la configuration maritime de notre pays, demeure un pilier du secteur primaire breton. La Bretagne reste à ce titre la première « région » hexagonale en termes de volumes pêchés, ainsi que de la valeur des pêches débarquées. Grâce à la propriété de leurs moyens de production et à leur enracinement géographique, les petits pêcheurs ont un esprit d’indépendance marqué et un fort sentiment d’appartenance identitaire, ce qui en fait un appui naturel du Parti National Breton. Le PNB doit faire valoir que seule une Bretagne indépendante et dotée de moyens étatiques pourra défendre la pêche bretonne dans l’Arc Atlantique.
Le secteur industriel des biens d’équipement est très concentré et subordonné aux donneurs d’ordre français de la construction navale, de l’électronique, du numérique ou de l’automobile. Le secteur du numérique, avec 90,000 salariés sur l’ensemble de la Bretagne (5% du total), est principalement concentré à Rennes et Nantes. Il emploie des cadres aimantés par les métropoles, socialement et culturellement intégrés par la bourgeoisie cosmopolite. Les salariés de ce secteur, parce qu’ils dépendent de grands groupes français, ne sont pas prédisposés à accepter un discours indépendantiste.
Secteur tertiaire non-marchand
Le secteur tertiaire non-marchand représente 33% des emplois (424,000 emplois en 2021 en Bretagne administrative et 187,000 emplois en Loire-Atlantique).
En l’état actuel, les segments sociaux les moins bien disposés à l’égard de l’indépendance sont ceux qui dépendent directement de l’État français et de ses mécanismes de redistribution, à commencer par les fonctionnaires d’état ou les agents de la fonction publique hospitalière. En s’engageant pour l’affectation prioritaire des fonctionnaires d’État bretons en Bretagne, le Parti National Breton peut attirer à lui des Bretons de la diaspora ou des jeunes Bretons voulant rejoindre la fonction publique.
Avec 140,000 agents en Bretagne historique, les fonctionnaires territoriaux bretons, bien moins dépendants de l’État français, constituent une réserve théorique de soutien importante. Les agents de police municipaux, comme embryon d’une police bretonne, doivent être l’objet d’un soutien affirmé.
Secteur tertiaire marchand
L’économie marchande représente 44% des emplois, avec 562,000 salariés en Bretagne administrative 2021 et 85,500 salariés en Loire-Atlantique. L’écrasante majorité des entreprises bretonnes ont moins de 9 salariés (70%) et constituent la base du secteur. Les entreprises de moins 50 salariés représentent quant à elles 15% du total.
Le commerce et l’artisanat (70,000 chefs d’entreprise en Bretagne administrative, 40,000 en Loire-Atlantique) constituent une cible essentielle pour le Parti National Breton. Propriétaires de leurs moyens de production, commerçants et artisans sont indépendants de l’État français et souffrent souvent de l’écrasante pression réglementaire et fiscale du gouvernement central. Les PMI-PME (85% des entreprises), colonne vertébrale de l’économie bretonne, doivent être vigoureusement défendues par le Parti National Breton et se voir proposer, grâce à l’indépendance progressive, un programme radical de simplification administrative et fiscale sur le modèle suisse.
L’hôtellerie restauration (8% du PIB breton, 60,000 emplois en Bretagne administrative, 20,000 en Loire Atlantique), adossée aux visiteurs venus de France, est a priori rétive à tout ce qui peut créer des tensions entre la Bretagne et la France.
Les segments potentiellement réceptifs
Agriculteurs petits et moyens, pêcheurs, artisans, commerçants, chefs d’entreprise, professions indépendantes, policiers municipaux et fonctionnaires territoriaux sont des segments socio-professionnels qui peuvent représenter les réserves de soutien et de voix dans le cadre de futures élections.
Par un discours en faveur d’une simplification réglementaire et fiscale ambitieuse , en appelant à une politique d’ordre breton, en dénonçant la gabegie d’état et en s’engageant à défendre les intérêts économiques bretons en priorité sans oublier la nécessaire protection du travailleur, le Parti National Breton peut constituer une base politique solide dans les différents secteurs économiques du pays. Pour cela, il doit développer un discours ciblé pour chaque catégorie pertinente et créer des structures dédiées à l’implantation militante.
Budig Gourmaelon
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