Plus de pardon pour les Bretons (1972), écrit par Marc Augier sous le pseudonyme de Saint-Loup, est à la fois pamphlet et manifeste, qui appelle à une renaissance de l’identité bretonne et à une affirmation fière de son héritage culturel et politique. Ce livre, porté par une prose passionnée et un souffle épique, se distingue par son plaidoyer pour la souveraineté des peuples face à l’uniformisation culturelle et à l’assimilation imposée par des forces centralisatrices.
Entre légende et manifeste révolutionnaire
Dans une Bretagne vibrante de mythes celtiques et d’élans révolutionnaires, Plus de pardons pour les Bretons tisse un conte épique où l’histoire et la légende s’entrelacent. Cian, héros irlandais traqué par la police anglaise, trouve refuge en Armorique. Là, il rencontre Morigane, incarnation de la mystérieuse fille aux cheveux rouges des légendes celtiques. De leur union naissent Lug, presque aussi savant qu’un druide, et Ogma, d’une force digne du mythique Cuchulainn. Ensemble, ils plongent dans une quête passionnée pour la liberté de leur « patrie charnelle » : la Celtie.
À travers une fresque romanesque, Saint-Loup recrée l’atmosphère envoûtante des traditions bretonnes, mêlant combats pour l’indépendance, folklore celtique et épopée historique. Ce roman, troisième tome des Patries charnelles, célèbre l’âme bretonne dans une lutte intemporelle pour l’identité et la souveraineté, tout en dénonçant les caricatures humiliantes, comme celle de Bécassine, qui raillent la simplicité et la fidélité du peuple breton.
Le message de l’œuvre
Plus de pardon pour les Bretons est un cri de révolte contre l’effacement de l’identité bretonne, que Saint-Loup attribue à des siècles de centralisation française et à une forme de résignation culturelle. L’auteur y dénonce l’assimilation forcée des Bretons, notamment à travers la répression de leur langue, de leurs traditions et de leur autonomie politique. Le titre, provocateur, rejette toute idée de soumission ou de repentance face à ceux qui ont cherché à « franciser » la Bretagne au détriment de son essence. Saint-Loup ne se contente pas de déplorer cette perte ; il exhorte les Bretons à se réapproprier leur histoire, leur langue (le breton) et leur fierté, en s’inspirant de figures historiques comme les Chouans ou les résistants bretons.
Saint Loup
Le message central est clair : la survie d’un peuple passe par l’affirmation de sa souveraineté, non seulement politique, mais aussi culturelle et spirituelle. Saint-Loup voit dans la Bretagne un microcosme de la lutte des peuples européens contre l’uniformisation. Ce message est porté par une écriture lyrique, parfois polémique, qui mêle anecdotes historiques, réflexions philosophiques et appels à l’action, rendant le texte à la fois captivant et mobilisateur.
Pertinence pour les Bretons d’aujourd’hui
En 2025, Plus de pardon pour les Bretons reste d’une actualité saisissante pour les Bretons, et plus largement pour toute communauté confrontée à la globalisation culturelle. La Bretagne contemporaine, bien que fière de son identité, fait face à des défis persistants : la langue bretonne, parlée par moins de 200 000 personnes selon les estimations récentes, est toujours menacée, malgré les efforts des écoles Diwan et des associations culturelles. Les politiques centralisées de la France continuent de limiter l’autonomie régionale, notamment en matière de gestion des ressources ou de reconnaissance institutionnelle du breton. Dans ce contexte, l’appel de Saint-Loup à refuser la résignation résonne fortement.
L’ouvrage est pertinent car il ne se limite pas à une nostalgie stérile. Il propose une vision proactive : la préservation de l’identité bretonne passe par l’éducation, la revitalisation linguistique et une participation active à la vie politique. Les Bretons d’aujourd’hui, qu’ils soient militants associatifs, artistes ou élus locaux, trouvent dans ce texte une inspiration pour défendre leur patrimoine face à la standardisation imposée par la culture de masse et les grandes métropoles. Par exemple, le succès des festivals comme le Festival Interceltique de Lorient ou la vitalité des bagadoù montrent que l’esprit de résistance culturelle prôné par Saint-Loup est bien vivant.
De plus, le livre pose une question universelle : comment concilier tradition et modernité ? Pour les jeunes Bretons, souvent tiraillés entre leur attachement à la région et les opportunités offertes par un monde globalisé, Saint-Loup offre une réponse : l’identité n’est pas un fardeau, mais une force. En affirmant leur bretonnité, ils peuvent s’inscrire dans une modernité choisie, plutôt que subie. Cette idée trouve un écho dans les mouvements écologistes et régionalistes bretons, qui lient la défense de l’environnement à celle de la culture locale, comme on le voit dans les luttes contre les projets industriels destructeurs en Bretagne.
Saint-Loup et sa lutte pour les peuples d’Europe
Marc Augier, alias Saint-Loup (1908-1990), est une figure édifiante, à la fois écrivain, aventurier et militant. Ancien journaliste et alpiniste, il s’engage dans les années 1930 dans des mouvements sociaux avant de basculer, pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le camp de l’Europe nouvelle. Après la guerre, il se réinvente en écrivain, adoptant le pseudonyme Saint-Loup, inspiré du loup, symbole de liberté et de résistance. Ses œuvres, dont Plus de pardon pour les Bretons, reflètent sa fascination pour les identités régionales et son rejet des idéologies universalistes qu’il juge destructrices.
Saint-Loup ne se limite pas à la Bretagne. Il défend une vision pan-européenne des identités, où chaque peuple – breton, basque, occitan, flamand, etc. – doit préserver sa singularité tout en coopérant avec les autres. Cette lutte pour les « peuples d’Europe » est au cœur de son œuvre. Dans des livres comme Les Hérétiques ou Les Nostalgiques, il explore les résistances culturelles face à l’homogénéisation, qu’elle vienne des États-nations ou des empires. Pour Saint-Loup, l’Europe ne doit pas être un melting-pot, mais une mosaïque de cultures souveraines, une idée qui préfigure certains débats actuels sur le régionalisme et l’écologie culturelle.
Son engagement témoigne d’une sincérité dans sa quête de liberté pour les peuples. Il a payé le prix de ses choix, vivant en exil en Argentine après la guerre, mais n’a jamais renoncé à son combat littéraire. Sa plume, à la fois poétique et combative, fait de lui un écrivain dont l’influence perdure, malgré les controverses.
« Le folklore est la honte des ethnies encore vivantes mais qui n’osent plus s’affirmer souveraines ». Cette citation, tirée de Plus de pardons pour les Bretons, est un condensé de sa pensée. Pour lui, le folklore – réduit à des danses, costumes ou musiques figés dans un rôle de « patrimoine » touristique – est une caricature humiliante de l’identité d’un peuple.
« Le folklore est la honte d’une ethnie encore vivante et qui n’ose plus s’affirmer souveraine » – Saint-Loup. https://t.co/Vj2tCeRK3o
— Parti National Breton – Strollad Broadel Breizh (@pnbsbb) August 12, 2024
Lorsqu’une ethnie se contente de « folkloriser » sa culture, elle renonce à la vivre pleinement, la reléguant à un musée vivant qui vire à une humiliante caricature. Saint-Loup y voit une forme de capitulation face à la domination culturelle : une ethnie « encore vivante » a le devoir de s’affirmer comme souveraine, c’est-à-dire de revendiquer son droit à exister politiquement, linguistiquement et spirituellement, d’être ce quelle est, et non d’être réduite à une expression caricaturale, convenue et marginalisée d’une culture « périphérique » qui n’est plus que tolérée – et aménagée – par la culture étrangère dominante et ses canons esthétiques et moraux.
Cette idée est particulièrement pertinente pour la Bretagne, où le folklore (fest-noz, coiffes traditionnelles) est parfois instrumentalisé pour le tourisme, mais aussi par la gauche française, pour servir paradoxalement d’alibi au discours cosmopolite, vidant la culture bretonne de sa substance. Saint-Loup appelle à dépasser cette vision réductrice : un fest-noz n’est pas qu’un spectacle, mais un acte de transmission ; le breton n’est pas un reliquat, mais une langue vivante. Cette citation invite les Bretons à transformer leur héritage en une force politique, créative, étatique, un message qui résonne avec les efforts actuels pour faire du breton une langue d’usage quotidien ou pour intégrer la culture bretonne dans des projets modernes (musique, cinéma, littérature).
Plus de pardon pour les Bretons est un ouvrage brûlant, porté par une vision radicalement libre de l’identité bretonne. Le texte de Saint-Loup transcende par sa sincérité et sa puissance mobilisatrice. Pour les Bretons d’aujourd’hui, il offre un rappel salutaire : l’identité n’est pas un souvenir, mais un projet. Sa lutte pour les peuples d’Europe anticipe les débats sur la diversité ethno-culturelle face à la globalisation. Sa citation sur le folklore reste un défi lancé à tous les peuples : oser être souverains, ou se condamner à n’être que des ombres d’eux-mêmes dans une société globale, déracinée. Cet ouvrage, par sa vigueur et sa clairvoyance, demeure un jalon essentiel pour quiconque s’intéresse à la Bretagne et à la survie des cultures vivantes.
Olier Kerdrel
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