Les célébrations des « 80 ans du débarquement de Provence » organisées au plus haut niveau de l’État français sont l’occasion pour la classe dirigeante française de mettre en scène un message politique. Le récit est simple : la France, patrie des droits de l’homme occupée militairement par l’Allemagne, s’est héroïquement libérée du fascisme et du « racisme ».
Pour que la France vive libre, ils se sont hissés au-delà de la souffrance et des risques.
Reconnaissance éternelle de la Nation. pic.twitter.com/QYABv7lxnl
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 15, 2024
La France ne s’est pas libérée
La réalité est radicalement différente. La France ne s’est pas libérée, tant et si bien que sans le débarquement anglo-américain le 6 juin 1944, l’occupation allemande n’aurait pas été remise en question par les Français. Les célébrations du débarquement de Provence visent à donner rétrospectivement une coloration « nationale » à l’avance alliée en France afin de dissimuler une cruelle réalité : vaincue en 1940, la France n’a jamais fait partie des puissances militairement victorieuses. Sans Winston Churchill pour l’inviter à la table des vainqueurs, la France aurait connu le sort de l’Italie.
Des célébrations à la gloire du colonialisme français
En Provence, plus de la moitié des troupes nominalement françaises était composée de sujets coloniaux réquisitionnés de force. Toute l’agitation autour de la « libération » de l’occupant « raciste » allemand tombe à plat face à la réalité des faits : l’impérialisme français, occupant lui-même de larges pans de l’Afrique et de l’Asie, était engagée dans une tentative de restauration de son pouvoir en se servant des populations indigènes que son système colonial opprimait par ailleurs.
Le 8 mai 1945, alors que la France gaulliste célèbre la capitulation de l’Allemagne, à Sétif, en Algérie, son armée écrase dans le sang la population algérienne montrant un désir pacifique d’accès à l’indépendance. Il faudra 17 ans de guerres de décolonisation pour la France, vaincue, abandonne ses possessions coloniales d’Asie et d’Afrique.
L’antifascisme d’état, arme de la classe dominante
L’invocation de l’antifascisme est utilisée par l’État français, profondément affaibli par l’immigration de masse, pour maintenir le mythe d’une république vierge de tout crime et mobiliser les masses de l’Hexagone derrière sa classe dirigeante. Derrière le fantôme de l’Allemagne nationale-socialiste, ce sont tous les opposants réels ou fantasmés de cette classe qui lui sont associés, et d’abord dans les médias. Ennemis intérieurs ou extérieurs, le résistantialisme reste l’arme privilégiée de l’impérialisme français.
Les Bretons, eux-mêmes exposés à l’intense propagande des médias de Paris, sont bien souvent les témoins passifs de cet embrigadement. Cette année encore en Bretagne, on a pu constater comment le régime français, renforcés de ses partis, a mis en scène le théâtre antifasciste pour sommer la population bretonne de rester soumise à l’État français.
Spécifiquement créée à Alger en 1944 pour appuyer le putsch gaullo-communiste de l’été 1944, la presse dite « régionale », Le Télégramme en tête, a amplement relayé cette propagande.
Des élèves de St-Pol-de-Léon ont voulu marquer le coup pour les commémorations des 80 ans de la Libération.https://t.co/XkgwkBkDay
— Le Télégramme (@LeTelegramme) August 2, 2024
Bombardée il y a 80 ans, cette commune bretonne commémore « son » 8 mai
➡️ https://t.co/HxwTLBbswH pic.twitter.com/QGItvrEeBK— Le Télégramme (@LeTelegramme) May 8, 2024
Plémet a célébré le 80e anniversaire de sa Libération
➡️ https://t.co/vyKi2fHnL3 pic.twitter.com/lBFW19C9X8— Le Télégramme (@LeTelegramme) August 8, 2024
Liesse, deuil, épuration, transition politique et nouveaux défis s’entremêlent lors des premiers jours et semaines qui suivent la Libération.
— Le Télégramme (@LeTelegramme) August 7, 2024
Des élèves de St-Pol-de-Léon ont voulu marquer le coup pour les commémorations des 80 ans de la Libération.https://t.co/XkgwkBkDay
— Le Télégramme (@LeTelegramme) August 2, 2024
Cette percée américaine trompeuse lors de la Libération de la Bretagne en 1944
➡️ https://t.co/0vjabatVVM pic.twitter.com/xQLwipklSZ— Le Télégramme (@LeTelegramme) July 28, 2024
Le général Ramcke, cet admirateur fervent du nazisme, qui ne voulait pas lâcher Brest en 1944
➡️ https://t.co/iyb0SwdD2v pic.twitter.com/4ti0fotqM4— Le Télégramme (@LeTelegramme) August 4, 2024
« La répression allemande est allée crescendo de 1940 à 1944 » en Bretagne
➡️ https://t.co/EjwsXINdVZ pic.twitter.com/XOW25Oq1NJ— Le Télégramme (@LeTelegramme) July 28, 2024
À l’inverse, l’alliance britto-allemande contre l’occupation française de la Bretagne a été à nouveau désignée comme l’expression intolérable de la menace existentielle que représente le risque géopolitique breton (identitaire donc de « droite ») pour la France révolutionnaire telle qu’elle existe depuis 1789 (égalitaire donc de « gauche »).
Pourquoi le Bezen Perrot est le symbole de la collaboration en Bretagne
➡️ https://t.co/nVRlFqCJLw pic.twitter.com/cruEWLo2Zj— Le Télégramme (@LeTelegramme) August 11, 2024
Puissance impérialiste, colonialiste et objectivement raciste, la république française qui réprime les Algériens en 1945 voit ses légataires tenter de culpabiliser les Bretons au nom de cet antifascisme d’état afin qu’ils restent docilement à son pouvoir. Il est temps de rejeter d’un bloc cette propagande résistantialiste à base de chantage et de rappeler le droit souverain de la nation bretonne d’employer tous les moyens à sa disposition pour regagner sa pleine indépendance nationale. Au 21e siècle, l’ère du chantage a vécu.
Ewen Broc’han
Recevez notre newsletter par e-mail !
