Éditorial : L’illusion d’un nationalisme breton « modéré »

Il y a une illusion persistante qui a empêché longtemps toute percée nationaliste en Bretagne, c’est celle du conformisme. Nous l’avons vu, et nous le voyons à nouveau depuis que le PNB s’affirme plus nettement, des voix fragiles s’élèvent timidement, ici et là, pour tantôt dénoncer le nationalisme sans concession du mouvement, tantôt suggérer une modération, sur la forme ou le fond, gage de tous les succès futurs ! Bien entendu, ces pieux avocats n’ont pas le premier résultat politique à offrir en guise d’argument, nous sommes priés de les croire sur parole. C’est ne pas comprendre la nature du nationalisme breton, ni celle du Parti National Breton.

Les modérés, à toutes les époques, sont la voix consciente ou inconsciente de la bourgeoisie établie. Il va de soi qu’en Bretagne cette bourgeoisie ne nourrit aucune tentation séparatiste, sinon nous l’aurions su depuis longtemps. Par définition francophile, elle ne rêve que de statu quo. Il en découle une vérité : le nationalisme breton, comme volonté de rupture avec l’État français, a fortiori sur une base ethnique, est une proposition politique et idéologique qui ne peut être conformiste, ni en conformité avec la société française existante et dominante. Le nationalisme breton sera toujours légitimement suspect de conspiration contre la France, sa société et ses intérêts. Tous les appels à la « modération » trahissent une pusillanimité face aux réalités d’un État français qui nous écrase et qui doivent être bouleversées, non pas confortées, ouvertement ou implicitement. La modération, c’est-à-dire la compromission, est une voix doucereuse qui ne mène qu’à l’échec. Elle démontre à tous, à commencer par nos ennemis, que celui qui l’écoute n’a pas la force de volonté nécessaire pour porter à leur conclusion les conséquences du nationalisme breton. Chez les Bretons, elle conforte le sentiment que ceux qui s’en font les avocats doutent de leur force, voire de leur légitimité.

Dans le rayon des modérations disponibles, le régionalisme de gauche est par définition un doublon inutile dans la Bretagne sous clef hexagonale. L’État français ne le redoute pas, ne l’a jamais redouté, puisque 1789 l’a engendré. Quant au centrisme, de couleur fédéraliste, il ne peut pas, avec sa fébrile timidité, initier un mouvement de nature à passionner les jeunes Bretons qui veulent s’engager pour leur peuple, leur sang. L’âge moyen de ses apôtres suffit à le convaincre d’inanité. Ce marais, que certains appellent le « mouvement breton », n’a aucune espèce d’intérêt politique, encore moins d’avenir. Sur toutes les questions brûlantes du moment auxquelles les Bretons veulent des solutions nettes, si ce n’est pour aujourd’hui, du moins pour demain, il faut une voix qui porte au dessus de la mêlée des partis français. La modération et le conformisme, a contrario, ne peuvent qu’étouffer la voix de la Bretagne nationale, la faire patauger dans l’insignifiance à coups de formules prudentes où le calcul politicien suinte.

Le nationalisme breton est d’abord un tempérament, une disposition psychologique face à la vie et face à l’ennemi. Il consiste à défier avec audace l’ordre français établi, à inspirer un sentiment de révolte dans des fragments du peuple, fussent-ils au début marginaux. Un incendie s’allume par une étincelle et le PNB, s’il veut déclencher l’incendie historique qu’il poursuit pour la Bretagne, doit démontrer par sa force d’âme et sa radicalité qu’il veut un nouvel ordre de choses pour la Bretagne, non pas aménager la spirale de la déchéance française. À l’évidence, les demi-solutions n’y suffiront pas et ne susciteront que l’indifférence générale comme c’est déjà le cas après 50 ans d’anti-nationalisme, qu’il soit régionaliste, fédéraliste ou indépendantiste.

Il y a deux opinions qui importent : celle du système en place et la nôtre. Les deux sont irréconciliables. Forger une génération de nationalistes hermétiques à toute forme de compromission avec l’État français, sa société, ses partis et son idéologie dominante est la première tâche du PNB. Notre poids n’est pas qu’électoral, il est aussi spirituel : entre nous, partisans intégraux de la Bretagne nationale, et l’État français, dans le champ des représentations, il n’y a rien. À la vue d’une force nationaliste pleinement inspirée des figures révolutionnaires de l’Emsav, nos ennemis sauront que notre proposition est elle aussi révolutionnaire au plein sens du mot. Les rires convenus de nos débuts ont déjà faits place aux hurlements, aux insultes et aux menaces. C’est la preuve la plus sûre que la voie empruntée par le mouvement est la bonne. C’est la bienveillance de l’ennemi qui doit inquiéter un nationaliste breton. À l’approche du danger, écartons résolument les timides qui ne peuvent être que des suiveurs et non des guides et avançons sur la voie que nous nous sommes donnés. Aussi difficile que soit la tâche, les Bretons lucides et sincères sauront reconnaître en nous l’alternative nouvelle qu’ils attendent.

Ewen Broc’han

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By La rédaction

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