L’Acte d’Union de 1707 : réflexions sur la perte de son indépendance par l’Écosse celtique

Le 25 avril 1707, l’Écosse, nation celtique riche d’une histoire millénaire, vit un moment charnière de son destin. Ce jour-là, les dernières sessions du Parlement écossais se tiennent à Édimbourg, marquant la fin de son existence autonome avant l’entrée en vigueur de l’Acte d’Union avec l’Angleterre, effective le 1er mai 1707. Cet événement, qui donne naissance au Parlement de Grande-Bretagne, met un terme à l’indépendance législative de l’Écosse, intégrant officiellement la nation celtique dans un État unifié sous la couronne britannique. Cet épisode historique résonne comme une mise en garde contre les dynamiques centralisatrices qui menacent les peuples attachés à leur souveraineté culturelle et politique.

L’Écosse avant l’Union

Pour comprendre l’importance du 25 avril 1707, il faut remonter aux siècles précédents, où l’Écosse s’affirme comme une nation celtique distincte. Issue des royaumes pictes et gaéliques, l’Écosse médiévale forge une identité robuste, marquée par sa langue gaélique, ses clans, ses traditions et une Église indépendante. Malgré des rivalités avec l’Angleterre, l’Écosse maintient son autonomie politique, notamment sous des figures comme Robert the Bruce, victorieux à Bannockburn en 1314, qui consacre l’indépendance écossaise face aux ambitions anglaises.

Bataille de Bannockburn

Cependant, dès le XVIe siècle, les relations entre les deux nations évoluent. En 1603, l’accession de Jacques VI d’Écosse au trône d’Angleterre (sous le nom de Jacques Ier) instaure une union des couronnes, bien que les Parlements restent séparés. Cette union personnelle pose les bases d’une coopération, mais aussi de tensions, les Écossais craignant une subordination progressive à l’Angleterre. Au XVIIe siècle, les guerres civiles britanniques et la révolution cromwellienne exacerbent ces frictions, l’Écosse étant parfois soumise à des occupations militaires anglaises.

À l’aube du XVIIIe siècle, l’Écosse traverse une crise économique majeure. Le désastreux Darien Schéma, une tentative de coloniser le Panama dans les années 1690, ruine les finances écossaises, affaiblissant la nation qui perd 20% de son PIB. Parallèlement, l’Angleterre, plus prospère, exerce une pression croissante pour une union politique, motivée par des impératifs géopolitiques : sécuriser ses frontières nord face aux menaces jacobites (soutiens des Stuarts catholiques) et consolider sa position face aux puissances européennes comme la France. C’est dans ce contexte de vulnérabilité écossaise et d’ambitions anglaises que l’Acte d’Union prend forme.

L’Acte d’Union : Négociations et controverses

Les négociations pour l’Union débutent en 1706, sous l’égide de la reine Anne. Une commission mixte, composée de représentants écossais et anglais, élabore les termes de l’accord. L’Acte d’Union propose la création d’un Parlement unique à Westminster, la fusion des systèmes économiques et commerciaux, et la garantie de certains droits écossais, comme la préservation de l’Église presbytérienne et du système juridique distinct. En échange, l’Écosse doit renoncer à son Parlement et accepter une représentation limitée à Westminster (45 sièges à la Chambre des communes et 16 pairs à la Chambre des lords, contre 513 et 190 pour l’Angleterre).

Ces termes suscitent une opposition farouche en Écosse. Pour de nombreux Écossais, l’Union représente une capitulation face à l’Angleterre, perçue comme une menace à l’identité nationale. Des pétitions circulent, des émeutes éclatent à Édimbourg et Glasgow, et des voix nationalistes dénoncent une trahison des élites. Les soupçons de corruption abondent : des commissaires écossais auraient été soudoyés par Londres, et des compensations financières, comme le remboursement des pertes du Darien Scheme, auraient acheté le soutien de certains nobles. Malgré ces résistances, le Parlement écossais, dominé par une élite favorable à l’Union, ratifie l’Acte en janvier 1707, par 110 voix contre 67.

Parlement d’Écosse

Le 25 avril 1707, le Parlement écossais tient ses dernières sessions, mettant fin à son existence. Cet événement, bien que technique, symbolise la fin d’une ère. Quelques jours plus tard, le 1er mai, l’Union entre en vigueur, et l’Écosse cesse d’être une entité politique souveraine, intégrée dans un nouvel État : la Grande-Bretagne.

Conséquences immédiates et résistances

L’Acte d’Union a des répercussions profondes. Sur le plan économique, l’Écosse bénéficie d’un accès au marché anglais et colonial, ce qui stimule, à terme, son commerce et son industrialisation. Cependant, à court terme, les taxes harmonisées avec l’Angleterre et la concurrence anglaise nuisent à certaines industries écossaises, alimentant le mécontentement populaire. Politiquement, la représentation écossaise à Westminster reste marginale, renforçant le sentiment d’une domination anglaise.

Sur le plan culturel, l’Union menace l’identité celtique écossaise. La langue gaélique, déjà en recul, subit une marginalisation accrue, tandis que les traditions des Highlands sont réprimées, notamment après les rébellions jacobites de 1715 et 1745. Ces soulèvements, menés par les partisans catholiques des Stuarts, témoignent d’une résistance à l’Union et à l’anglicisation, bien que leur échec consolide l’intégration britannique. Les lois post-1745, comme l’interdiction du port du kilt ou des armes, visent à démanteler la culture des clans, perçue comme une menace à l’unité britannique.

David Hume

Pourtant, l’Écosse ne s’efface pas. Son système juridique, son Église presbytérienne et son éducation restent distincts, préservant son identité nationale. Les Lumières écossaises du XVIIIe siècle, portées par des figures comme David Hume ou Adam Smith, témoignent de la vitalité intellectuelle de la nation, même sous l’Union. Cette résilience culturelle est un point d’ancrage pour les nationalistes bretons, qui y voient un modèle de résistance face à l’assimilation.

Une leçon pour les nationalistes celtiques

L’Acte d’Union de 1707 offre une réflexion pertinente. Comme l’Écosse, la Bretagne a connu une perte progressive de son autonomie face à une puissance centralisatrice, la France. L’édit d’union de 1532, qui rattache officiellement la Bretagne à la couronne française, présente des similitudes avec l’Acte d’Union : des élites locales, sous pression économique ou politique, acceptent une intégration qui marginalise l’identité celtique. En Bretagne, la langue, la culture et les institutions autonomes ont été progressivement érodées par la centralisation jacobine, particulièrement après la Révolution française où le parlement breton est unilatéralement aboli par la France révolutionnaire.

L’expérience écossaise met en lumière plusieurs leçons. D’abord, la vulnérabilité économique peut pousser un peuple à des compromis fatals pour sa souveraineté. L’échec du Darien Scheme a affaibli l’Écosse, tout comme les crises économiques bretonnes ont parfois renforcé la dépendance vis-à-vis de Paris. Ensuite, la corruption ou la collusion des élites locales avec le pouvoir central est un danger récurrent : en Écosse comme en Bretagne, des notables ont privilégié leurs intérêts au détriment de la nation. Enfin, la résilience culturelle est une arme puissante. Malgré l’Union, l’Écosse a préservé des pans de son identité celtique, tout comme la Bretagne, grâce à des initiatives comme les écoles Diwan ou le renouveau musical, continue de faire vivre sa langue et ses traditions.

Un combat celtique toujours actuel

L’Acte d’Union n’a pas éteint l’aspiration écossaise à l’indépendance. Au XXe siècle, le mouvement nationaliste écossais gagne en force, aboutissant à la dévolution de 1999, qui restaure un Parlement écossais, et au référendum sur l’indépendance de 2014, où 45 % des Écossais votent pour quitter le Royaume-Uni. Ces développements montrent que la flamme celtique, même affaiblie, peut renaître. Pour la Bretagne, ce précédent inspire : la lutte pour la reconnaissance de la langue, la décentralisation politique et la valorisation de la culture celtique sont des combats partagés avec l’Écosse.

Le 25 avril 1707 reste une date sombre pour l’Écosse, marquant la fin de son Parlement et de son indépendance politique. Cet événement est un rappel des dangers de l’assimilation et de la centralisation, mais aussi une source d’espoir. La résilience écossaise face à l’Union prouve qu’un peuple celtique peut survivre et se réinventer. La Bretagne, en poursuivant sa lutte pour son identité, s’inscrit dans cette même dynamique, portée par la solidarité des nations celtiques face aux forces qui cherchent à les effacer.

Olier Kerdrel

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By La rédaction

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