Emsav : 10 septembre 1901, naissance de Yann Sohier, pionnier du mouvement linguistique breton

EMSAV – Yann Sohier, né Jean Lucien Léon Marie Sohier le 10 septembre 1901 à Loudéac et tragiquement emporté le 21 mars 1935 à Plourivo, incarne l’âme ardente de la résistance bretonne. Instituteur laïc, militant fervent de la langue bretonne, il s’est imposé comme une figure de l’Emsav, et particulièrement du journal Breiz Atao, organe emblématique du mouvement national.

Une jeunesse façonnée par la Bretagne

Fils de Jean-Marie Sohier, gendarme à cheval puis percepteur, et de Louise Sohier, Yann naît non bretonnant, ce qui rend son attachement à la langue bretonne d’autant plus remarquable. La famille, marquée par les mutations professionnelles du père, s’installe successivement à Ar Sal (Sel-de-Bretagne), de 1905-1906, et à Uzel jusqu’en 1907, avant de revenir à Loudieg (Loudéac). C’est à l’École normale de Sant-Brieg (Saint-Brieuc), de 1918-1921, que Yann Sohier découvre et apprend laborieusement le breton, une langue qu’il ne parlait pas dans son enfance mais qu’il embrasse avec passion, refusant l’uniformisation culturelle imposée par l’État français. Ce choix marque le début de son militantisme, forgé dans un contexte où la Bretagne subit une assimilation linguistique et culturelle brutale.

Engagement dans Breiz Atao et le nationalisme breton

Dès 1927, Yann Sohier s’engage pleinement dans le combat breton en participant au congrès du Parti autonomiste breton (PAB) à Rosporden, où il côtoie des figures comme Olier Mordrel et François Debauvais. En 1929, il devient secrétaire de la section du Trégor du Parti Autonomiste Breton, contribuant activement au journal Breiz Atao (« Bretagne toujours »), fondé en 1918 par Morvan Marchal. Ce journal, fer de lance du nationalisme breton, prône une rupture avec le régionalisme folklorique et appelle à une Bretagne politiquement et culturellement souveraine. Lorsque le PAB éclate en 1931, divisé entre fédéralistes et nationalistes, Sohier choisit sans hésiter le camp du Parti national breton (PNB), aux côtés de Mordrel, Debauvais et Roparz Hemon. Dans Breiz Atao, il trouve un espace pour défendre une vision radicale de l’identité bretonne, mêlant fierté celtique et rejet de l’État jacobin.

Il contribue ainsi à l’élaboration d’une identité nationale forte, portée par Breiz Atao et ses suppléments littéraires (Gwalarn) et artistiques (Kornog).

Ar Falz : un combat pour l’enseignement du breton

En 1933, Yann Sohier fonde Ar Falz (« La Faucille »), un journal destiné aux instituteurs laïcs bretons, qu’il conçoit comme une arme de résistance culturelle. À travers Ar Falz, il milite pour l’introduction de l’enseignement du breton dans les écoles publiques, défiant l’État français qui interdit l’usage de la langue bretonne dans l’éducation.

Il écrit dans Ar Falz : « C’est par le breton, devenu un instrument de culture, que pourra se faire le redressement culturel de notre race et que la Bretagne pourra regarder le monde et réaliser tout son destin. » Cette citation, reprise en 1937 par le bulletin de l’Union des œuvres bretonnes, illustre sa vision d’une Bretagne culturellement souveraine, capable de s’affirmer sur la scène internationale.

Une figure paradoxale

Yann Sohier est une figure complexe, mêlant nationalisme breton et sympathies internationalistes. Proche du Parti communiste à une époque où celui-ci dénonce les mythes fondateurs de l’impérialisme français, notamment de Marcel Cachin, figure bretonne du communisme, il incarne une voix très originale entre l’Emsav où ses sympathies de gauche ne l’empêchent pas d’être très proche des figures nationalistes comme Olier Mordrel qui sera présent à ses obsèques aux côtés de l’équipe de Breiz Atao.

La mort prématurée de Yann Sohier, à seulement 34 ans, en 1935, laisse un vide dans le mouvement breton. Sa veuve, Anne Le Den (connue sous le pseudonyme Naig Sezny), institutrice et collaboratrice d’Ar Falz, perpétue son combat. En 1936, le mouvement Seiz Breur réalise un meuble orné du symbole d’Ar Falz en son hommage. En 1937, le bulletin de l’Union des œuvres bretonnes consacre sa une à son portrait, citant ses mots vibrants sur le destin breton. Une rue du quartier des Longschamps à Rennes porte aujourd’hui son nom, rappelant son sacrifice pour la cause.

Olier Kerdrel

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By La rédaction

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