Terres rares : Paris ouvre le sous-sol breton à une filiale canadienne en violation de la souveraineté bretonne !

Le 10 décembre 2025, le Journal Officiel français a publié trois arrêtés ministériels signés par Sébastien Martin, ministre délégué à l’Industrie. Deux des trois Permis Exclusifs de Recherches (PER) concernent directement la Bretagne historique. Le permis « Epona » couvre 51 km² sur les communes d’Hennebont, Languidic, Nostang et Kervignac, à l’est de Lorient ; il est accordé pour trois ans, renouvelable. Le permis « Taranis », beaucoup plus vaste, s’étend sur 360 km² et touche une vingtaine de communes à la frontière du Morbihan, de l’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique : Gazilieg (La Gacilly), Gwenvenez-Penfaou (Guémené-Penfao), Baen-Ballon (Bains-sur-Oust), Alaer (Allaire), Paloieg (Peillac) ou encore Ranneg (Renac). Sa durée initiale est de cinq ans, également renouvelable.

L’heureuse bénéficiaire est « Breizh Ressources », société créée en 2024 et domiciliée au 1 rue Honoré d’Estienne d’Orves à Lorient, dans le Morbihan. Les apparences sont trompeuses. Cette entreprise, qui se présente comme une start-up spécialisée dans l’étude géologique du sous-sol et l’exploration de ressources minérales et de métaux rares, n’a rien de breton : « Breizh Ressources » est une filiale à 100 % d’Aurania Resources Ltd, une junior minière canadienne fondée en 2006 et cotée à la Bourse de Toronto (TSXV : ARU). Aurania, dirigée par le géologue Keith Barron, est active dans l’exploration de métaux précieux et critiques dans plusieurs pays, notamment en Équateur et maintenant en Bretagne. Ses actionnaires principaux sont majoritairement nord-américains et britanniques, et l’entreprise n’a pas de revenus significatifs à ce jour, se concentrant sur les phases d’exploration. Ce lien capitalistique soulève des questions sur la répartition des bénéfices potentiels : si des gisements sont découverts, sont-ce les investisseurs d’Aurania qui en profiteront en premier, via les cours de l’action ARU, plutôt que les collectivités bretonnes ?

Ce qui est autorisé – et ce qui ne l’est pas

À ce stade, seule la recherche est permise. Les travaux consistent en levés géophysiques aériens et terrestres, prélèvements superficiels, carottages de faible profondeur et analyses en laboratoire. Aucun puits de mine, aucun terril, aucune galerie ne verra le jour tant que ces permis sont en vigueur. L’exploitation, si elle devait un jour être envisagée, nécessiterait une procédure totalement distincte : demande de concession minière, enquête publique renforcée, étude d’impact et nouveau décret. Statistiquement, seulement 5 % des projets d’exploration comme celui-ci débouchent sur une exploitation réelle, selon les données du ministère français de l’Industrie. « Breizh Ressources » s’engage à une approche progressive, en réduisant les zones d’étude en cas de résultats négatifs, et à des consultations locales obligatoires.

Les substances recherchées

Les métaux visés sont à la fois traditionnels et stratégiques. Parmi les premiers figurent l’étain, le tungstène, l’antimoine, l’or, l’argent, le plomb et le zinc, hérités des filons historiques du Massif armoricain, exploités dès l’Antiquité par les Gaulois et plus tard par les mineurs bretons du XIXe siècle. Les seconds, plus modernes, incluent le lithium, le cobalt, le germanium, l’indium, le niobium, le tantale et les terres rares – des éléments critiques pour la transition énergétique et numérique. Ces substances alimentent les batteries de véhicules électriques, les éoliennes, les panneaux solaires et les semi-conducteurs. L’État français, qui importe 100 % de ses terres rares de Chine, voit dans ces explorations un levier pour sa « souveraineté industrielle », comme l’a répété le gouvernement de Paris dans ses annonces récentes. Problème : l’État français viole la souveraineté nationale de la Bretagne.

Le cadre juridique : Paris décide, la Bretagne subit

En droit français, le sous-sol n’appartient ni aux propriétaires des terrains ni à la « Région » Bretagne : il est propriété exclusive de l’État français occupant la Bretagne, au titre de l’article L. 111-1 du Code minier. La collectivité bretonne n’a aucune compétence légale pour octroyer, refuser ou même conditionner ces permis. Les redevances et taxes minières, si une mine voyait le jour un jour, iraient intégralement dans les caisses de l’État français, sans redistribution automatique aux Bretons. Seules des retombées indirectes, comme des emplois temporaires ou des contrats locaux, pourraient bénéficier à la Bretagne. Les consultations publiques menées en 2023 et 2024 ont été hexagonales, sans veto breton possible.

Les premières réactions locales

Dès l’annonce, les oppositions se sont organisées. Eau et Rivières de Bretagne, association de protection des eaux, alerte sur les risques de pollution des nappes phréatiques et des rivières par des métaux lourds ou une radioactivité naturelle liée aux gisements anciens. Plusieurs maires des communes concernées, comme ceux de Gazilieg (La Gacilly) ou de Henbont (Hennebont), ont exprimé leur hostilité, craignant des impacts sur l’agriculture, le tourisme et la qualité de vie. Des collectifs citoyens, soutenus par des élus, préparent des recours devant le tribunal administratif. Sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux, le débat s’enflamme : « Breizh Ressources » promet des réunions d’information et une transparence accrue, mais beaucoup doutent de l’engagement réel d’une filiale étrangère. Keith Barron, PDG d’Aurania, a défendu le projet en évoquant un « potentiel sous-estimé » hérité des Gaulois, mais ses déclarations n’ont pas apaisé les craintes.

La lecture nationaliste bretonne

Pour les défenseurs de la souveraineté nationale bretonne, ce dossier est un révélateur brutal. Le Massif armoricain recèle potentiellement des ressources stratégiques d’importance mondiale, capables de générer des milliers d’emplois qualifiés, des filières de recyclage et une économie verte souveraine. Or, tant que la Bretagne n’aura pas la pleine maîtrise de son sous-sol en tant qu’état, toute découverte profitera d’abord à des intérêts extérieurs : actionnaires canadiens d’Aurania, qui voient leur action grimper sur les nouvelles prometteuses ; budget de l’État français, qui empoche les royalties ; ou encore industriels étrangers qui raffineront les minerais ailleurs. Les emplois de la phase recherche seront limités à une poignée de géologues à Lorient ; ceux d’une éventuelle exploitation future dépendront du bon vouloir de l’opérateur et de Paris, sans garantie pour les Bretons.

Ce n’est pas la prospection en elle-même qui pose problème – elle pourrait même être une opportunité si encadrée – mais l’impossibilité pour les Bretons de décider eux-mêmes de l’usage de leur patrimoine géologique. Le Québec a négocié des royalties directes pour ses mines ; la Norvège a fait de son pétrole un fonds souverain ; l’Écosse débat de son or offshore. La Bretagne, elle, reste dans la situation d’une colonie de ressources, où Paris distribue les cartes sans consulter les joueurs.

Il est nécessaire d’appeler à un moratoire immédiat sur les nouveaux PER, à un transfert de compétences minières au Conseil « régional » de Bretagne, et à la création d’une compagnie publique bretonne pour toute future exploration. Sans cela, la Bretagne continuera d’être une terre de passage pour les capitaux étrangers, privée de son destin économique. Aujourd’hui, un simple permis de recherche rappelle une vérité ancienne : sans souveraineté sur son sous-sol, un peuple ne maîtrise ni son économie ni son avenir. Il est temps que la nation bretonne exige plus que des miettes.

Budig Gourmaelon

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By La rédaction

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