À Nantes et Saint-Nazaire, l’irruption d’une criminalité organisée «qui n’existait pas il y a 30 ans»

La préfecture de Loire-Atlantique comme le parquet de Nantes entendent intensifier la lutte contre la grande délinquance, tout en «massifiant» les opérations en faveur de «la sécurité du quotidien».

La scène devient commune dans l’hypercentre de Nantes (Loire-Atlantique), au carrefour dit de la croisée des trams. Vendredi dernier, le 21 février, quelque quarante policiers, gendarmes et douaniers surgissent de leurs véhicules en début d’après-midi. La troupe fond en vitesse sur la ligne de guetteurs et de vendeurs à la sauvette postés à ce centre névralgique de la cité des ducs. Des paquets de cigarettes tombent des vestes, pendant que des figures encapuchonnées, épargnées par le dispositif, s’exfiltrent discrètement dans les ruelles alentour. Depuis le début de l’année, 26 opérations du genre ont été organisées à Nantes, en bonne partie sur ce carrefour très fréquenté du centre-ville qui passait autrefois pour un lieu de rencontre animé et sans histoire. C’était avant que la croisée des trams ne devienne la vitrine la plus visible – et irréductible – des réseaux criminels nantais.

Point de vente à la sauvette de cigarettes et de médicaments, en particulier de prégabaline – surnommée la «drogue du pauvre» -, le carrefour est également un point de deal à ciel ouvert, où s’écoulent de petites quantités de cannabis. Ce juteux marché sans étals s’est progressivement installé sur le secteur au lendemain du grand confinement de 2020. Il est devenu progressivement le théâtre d’affrontements physiques entre bandes rivales, véritables fers de lance de groupes organisés qui sont montés en puissance ces dernières années à Nantes, comme à Saint-Nazaire. Le 16 février, une énième attaque au couteau a fait un blessé à la croisée des trams. Et les petites mains des réseaux n’utilisent plus les simples lames. Désormais, de fréquentes séquences de tirs d’armes à feu scandent aussi la chronique des faits divers en Loire-Atlantique. Dans la nuit de mardi à mercredi, un nouveau jeune de 16 ans a été blessé par balle dans les quartiers nord de Nantes, rapportent nos confrères de Presse Océan .

Une délinquance complexe et changeante

L’augmentation des épisodes de coups de feu dans le département a été imputée, par les services de l’État, aux guerres de territoire qui agitent «le haut du spectre» de la grande délinquance. Particulièrement animés l’automne dernier, ces conflits entre groupes criminels ont été marqués par de dramatiques explosions de violence, à l’image de l’assassinat, au domicile de ses parents, d’un jeune nazairien de 19 ans, tué en décembre par un commando armé, en présence de son petit frère et de son père. La préfecture a multiplié les opérations de sécurisation des quartiers sensibles de Saint-Nazaire gangrenés par le narcotrafic, depuis l’été dernier. Ce mardi 26 février, la CRS 82 a été déployée une onzième fois depuis le début de l’année. En réponse à des signalements, les forces de l’ordre sont intervenues dans le quartier nazairien d’Avalix, jusqu’alors épargné des descentes de police.

Entré en fonction, le 3 février, comme nouveau procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy constate également la percée, ces dernières années, des réseaux criminels, structurés pour l’essentiel autour du trafic de drogue et d’armes à feu, appuyées par des opérations de blanchiment. «La criminalité organisée n’existait pas il y a 30 ans, à l’époque où j’étais substitut à Saint-Nazaire. C’est un phénomène qui touche toutes les villes, grandes ou moyennes, et même petites, quelquefois, a-t-il indiqué mardi en conférence de presse. Les délinquants sont particulièrement ciblés par les forces dédiées de la sécurité intérieure. Nous essayons d’être réactifs: cette délinquance est complexe, avec des individus qui s’adaptent très vite aux évolutions technologiques. Mais nous aussi.»

Pour lutter contre les réseaux de narcotrafiquants, la préfecture de Loire-Atlantique a annoncé en février «massifier» les opérations dites de «sécurité du quotidien», pour harceler les points d’ancrage géographiques de la délinquance. Une cellule d’évaluation des «délinquants multi-réitérants» a également été créée à l’échelle du département, pour mieux cerner les profils multirécidivistes responsables d’un nombre importants d’infractions, en particulier celles liées au narcotrafic. «Démanteler les points de deal est un travail de fond. Il ne faut pas seulement s’occuper de ceux qui sont en bas des halls d’immeuble, mais également s’intéresser à ceux qui sont en haut de l’édifice, ajoute Antoine Leroy. Sans oublier les consommateurs». À la croisée des trams, de nouveaux guetteurs ont repris position dès vendredi soir.

Source : Le Figaro

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By La rédaction

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