La nécessité d’un État breton : une perspective nationaliste bretonne à la lumière de Hobbes et Carl Schmitt

La question de l’indépendance bretonne, portée par le Parti National Breton, s’inscrit dans une aspiration ancienne à restaurer la souveraineté perdue de notre patrie. À l’heure où la Bretagne reste intégrée à l’État français, les nationalistes bretons revendiquent un État indépendant comme une nécessité politique pour garantir la survie d’un peuple distinct.

Le nationalisme breton : une quête de souveraineté face à l’annexion française

Le nationalisme breton est une doctrine qui place la nation bretonne au centre de son projet, réclamant l’indépendance par opposition au régionalisme ou au fédéralisme. Apparu au début du XXe siècle, il s’est structuré autour de la défense de la langue bretonne, de l’histoire et des traditions ethniques bretonnes, tout en se démarquant du nationalisme français par une comparaison avec d’autres nations celtiques, comme l’Irlande révolutionnaire. Dès 1911, avec la fondation du Parti nationaliste breton (PNB), le nationalisme breton s’est affirmé comme une opposition à l’occupation et l’oppression françaises. L’État français, en imposant une brutale politique d’assimilation culturelle et linguistique veut empêcher l’existence politique de la Bretagne comme nation. Cette négation est une menace vitale, car elle érode l’être breton – langue, traditions, histoire.

C’est ici que les théories de Hobbes et Schmitt entrent en jeu. Hobbes considère l’État comme une nécessité pour échapper à l’état de nature, caractérisé par la guerre de tous contre tous. Pour les nationalistes bretons, l’absence d’un État propre équivaut à un état de nature où le peuple breton est vulnérable, soumis à la domination d’un État étranger (la France). Schmitt, quant à lui, définit le politique par la distinction ami/ennemi, où l’ennemi est « l’autre, l’étranger » qui menace l’existence d’une communauté. Dans cette optique, l’État français, en imposant son autorité, est l’« ennemi » du peuple breton, rendant nécessaire un État breton pour affirmer son identité et sa souveraineté.

Hobbes et le Léviathan : un État breton pour échapper au chaos

Dans son ouvrage Le Léviathan (1651), Thomas Hobbes décrit l’état de nature comme une condition de guerre perpétuelle, où l’absence d’un pouvoir souverain conduit à l’insécurité et au chaos. Pour Hobbes, la solution réside dans un contrat social par lequel les individus cèdent leur liberté naturelle à un souverain – le Léviathan – qui garantit la paix et la sécurité en échange. Ce souverain, qu’il soit un monarque ou une assemblée, incarne une autorité absolue, car seule une telle puissance peut contenir les passions humaines et prévenir la dissolution sociale.

Pour les nationalistes bretons, l’absence d’un État breton place le peuple dans une situation analogue à l’état de nature hobbesien. La domination française, une force extérieure qui impose un ordre qui ne correspond pas aux besoins ni à l’identité bretonne, engendre une forme de chaos culturel : la langue bretonne est marginalisée, les institutions historiques (comme le Parlement de Bretagne) ont été dissoutes, les traditions sont reléguées au rang de folklore, enfin une immigration de peuplement allogène est organisée pour déposséder complètement les Bretons de leur pays. Un État breton, en tant que Léviathan, serait le garant d’un ordre politique et culturel propre, capable de protéger le peuple breton contre l’assimilation et de restaurer une cohésion sociale autour de son identité.

La souveraineté absolue pour la préservation de la Bretagne

Hobbes insiste sur la nécessité d’une souveraineté absolue pour que l’État puisse fonctionner efficacement. Dans Le Léviathan, il écrit : « Les passions qui poussent les humains à la paix sont la peur de la mort, le désir des choses nécessaires à une existence confortable, et l’espoir de les obtenir par leur activité ». Appliqué au contexte breton, cet argument justifie la création d’un État souverain capable de répondre aux besoins spécifiques du peuple breton, notamment la préservation de sa langue, de sa culture, l’exploitation du potentiel de travail breton par le peuple breton lui-même et à son profit exclusif. Un État breton, en tant que souverain absolu, aurait le pouvoir de légiférer par des institutions indépendantes afin de défendre les intérêts de la nation bretonne.

Cependant, Hobbes met en garde contre les divisions internes qui affaiblissent l’État. Pour les nationalistes bretons, cela implique que l’État breton devrait s’appuyer sur une homogénéité culturelle et politique, une idée que l’on retrouve également chez Schmitt. Les divisions actuelles entre régionalistes, fédéralistes et indépendantistes bretons, par exemple, pourraient être surmontées par le pouvoir souverain unificateur de l’État breton, capable d’incarner la volonté collective du peuple breton.

Hobbes considère que la légitimité de l’État repose sur sa capacité à protéger ses citoyens. Or, pour les nationalistes bretons, l’État français n’échoue pas à protéger le peuple breton, mais il le considère comme un ennemi à réprimer par une politique de subordination et d’assimilation permanente. En imposant le français comme langue unique et en centralisant le pouvoir, l’État français agit comme un Léviathan étranger, opposant fondamental aux aspirations du peuple breton. Cette situation justifie, dans une perspective hobbesienne, la nécessité d’un nouvel État, propre à la Bretagne, qui assumerait pleinement son rôle de protecteur de la nation bretonne.

Carl Schmitt : le politique et l’état d’exception au service de l’État breton

Carl Schmitt, dans La Notion du politique (1932), définit le politique par la distinction entre l’ami et l’ennemi, où l’ennemi est « l’autre, l’étranger » qui représente une menace existentielle pour une communauté. Pour les nationalistes bretons, cette distinction est centrale : l’État français, en niant la nationalité bretonne et en imposant une assimilation culturelle brutale, est l’ennemi politique. Les nationalistes perçoivent cette francisation comme une négation vitale de l’existence bretonne, justifiant la lutte pour l’indépendance.

Schmitt insiste sur le fait que l’unité politique d’un peuple repose sur son homogénéité, qu’il définit comme une « similitude » ou une « identité » collective. Pour les nationalistes bretons, cette homogénéité repose sur la langue, la culture, le sang, l’histoire, qui forment le génie national conscientisé par Breiz Atao à partir de 1919. Un État breton est donc nécessaire pour préserver cette homogénéité face à l’État français, agent de désintégration. En ce sens, la création d’un État breton s’inscrit dans une logique schmittienne : il s’agit de constituer un espace politique où le peuple breton peut affirmer son identité face à un ennemi extérieur.

Le décisionnisme et la souveraineté bretonne

Schmitt définit la souveraineté par la capacité à décider de l’état d’exception : « Est souverain celui qui décide de la situation exceptionnelle ». Cette idée est particulièrement pertinente pour les nationalistes bretons, qui considèrent la situation actuelle comme une crise permanente, marquée par l’assimilation. Un État breton souverain aurait le pouvoir de proclamer un état d’exception pour protéger la nation bretonne, par exemple en instaurant des mesures radicales pour revitaliser la langue bretonne ou contrer les politiques françaises tournées contre la nation bretonne.

Le décisionnisme de Schmitt, influencé par Hobbes, souligne que la légitimité d’un État repose sur sa capacité à prendre des décisions face à des crises, même en dehors des normes juridiques établies. Pour les nationalistes bretons, cela pourrait justifier des actions révolutionnaires pour imposer un ordre politique breton face à la putréfaction de l’État français. Un État breton, en tant que puissance souveraine, serait capable de trancher dans des moments critiques pour préserver l’existence du peuple breton.

L’État total et la Bretagne

Schmitt observe que l’État moderne tend à devenir un « État total », assumant des responsabilités économiques, sociales et culturelles croissantes. Pour les nationalistes bretons, cette centralisation renforce l’oppression de la Bretagne, car l’État français impose un modèle universel qui nie sa nationalité. Un État breton, en revanche, pourrait adopter une forme d’État total adapté à la Bretagne, mobilisant toutes les ressources – politiques, culturelles, économiques – pour restaurer l’unité nationale. Cela impliquerait, par exemple, une politique linguistique offensive, une éducation centrée sur l’histoire bretonne et une économie destinée à faire de la nation bretonne une puissance européenne suffisamment forte pour tenir les Français hors de ses frontières.

Cependant, Schmitt met en garde contre la dépolitisation du monde moderne, où le politique est remplacé par des logiques techniques ou économiques. Les nationalistes bretons partagent cette critique, voyant dans la mondialisation et la francisation des forces de dépolitisation qui dissolvent l’identité bretonne. Un État breton, en s’appuyant sur la conception schmittienne du politique, serait un rempart contre cette dérive, en affirmant une volonté collective face à l’« ennemi » culturel et politique.

Articuler Hobbes et Schmitt pour un État breton

Hobbes et Schmitt partagent une vision pessimiste de la nature humaine et de la société, où l’État est nécessaire pour contenir le chaos et les conflits. Hobbes met l’accent sur le contrat social et la souveraineté absolue, tandis que Schmitt insiste sur la distinction ami/ennemi et le décisionnisme. Ensemble, leurs idées offrent un cadre robuste pour justifier un État breton :

  • Un État breton serait le résultat d’un contrat social entre les Bretons, qui céderaient leur liberté individuelle pour garantir la préservation de leur identité collective. Cet État, comme le Léviathan, aurait une autorité absolue pour protéger la langue, la culture et le sang breton contre les forces d’assimilation.
  • L’État breton, pour être viable, devrait s’appuyer sur une homogénéité culturelle, unifiant les Bretons autour de leur langue, de leur sang et de leur histoire. La distinction ami/ennemi permettrait de mobiliser le peuple contre l’État français, perçu comme une menace existentielle.
  • Dans un contexte de crise culturelle, l’État breton pourrait invoquer l’état d’exception pour prendre des mesures radicales, comme la restauration du breton comme langue officielle ou la création d’institutions indépendantes.

D’un point de vue nationaliste breton, la nécessité d’un État breton repose sur l’urgence de préserver une identité menacée par l’assimilation française. Les théories de Hobbes et Schmitt offrent un cadre théorique puissant pour justifier cette aspiration. Hobbes, avec son concept du Léviathan, souligne la nécessité d’un pouvoir souverain pour échapper au chaos et protéger le peuple breton contre la désintégration culturelle.

Schmitt, avec sa distinction ami/ennemi et son décisionnisme, fournit une justification pour un État breton capable de s’affirmer face à l’État français, perçu comme une menace existentielle. Ensemble, ces penseurs permettent de concevoir un État breton comme une entité souveraine, homogène et capable de trancher dans les moments de crise pour garantir la survie de la nation bretonne.

En articulant les idées de Hobbes et Schmitt, les nationalistes bretons peuvent non seulement justifier leur revendication d’indépendance, mais aussi envisager un modèle d’État adapté aux réalités du XXIe siècle, où la Bretagne pourrait affirmer sa place parmi les nations européennes tout en préservant son « génie national ».

Budig Gourmaelon

Recevez notre newsletter par e-mail !

By La rédaction

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

×