Florian Le Teuff, membre de la majorité municipale nantaise et proche de l’extrême-gauche loyaliste, a exigé de l’État français qu’il interdise le Parti National Breton. Dans Ouest-France, qui relaie complaisamment sa sommation, Le Teuff justifie sa position en déclarant que « depuis un an, ce mouvement agit à visage découvert, en dévoilant le nom de ses responsables, et organise des rassemblements publics. Le 25 octobre, il organisera un événement destiné à rendre hommage à Olier Mordrel, figure de l’ultra-nationalisme breton » avant d’ajouter qu’il lui semble important « de mettre un terme aux activités du PNB, en pleine recrudescence ».

La petite bourgeoisie urbaine contre un parti du peuple
Florian Le Teuff, né en 1980, incarne un profil social typique de la petite bourgeoisie urbaine hexagonale, forgé dans les dynamiques de mobilité ascendante propres au capitalisme tardif. Le Teuff n’émerge pas des entrailles prolétariennes. En 2020, il se présente comme « citoyen auteur-éditeur », un métier emblématique de la petite bourgeoisie culturelle : indépendant, précaire mais symboliquement valorisé, il publie des ouvrages sur Nantes (comme un recueil d’entretiens sur le FC Nantes en 2013, « En jaune, nos épopées »), naviguant entre passion populaire (le football) et posture intellectuelle surplombante. Ce rôle d’intermédiaire – éditeur de récits locaux – lui permet de tirer profit de la mémoire collective nantaise sans subir les rigueurs matérielles des couches populaires, typique des couches intermédiaires qui amortissent culturellement les chocs des crises cycliques du capitalisme.
Élu en 2020 sur la liste PS-EELV de Johanna Rolland (maire PS de Naoned/Nantes), Le Teuff devient 13e adjoint aux « enjeux bretons » et élu métropolitain, au sein du groupe écologiste. Non encarté formellement (ni PS ni EELV pur jus), il symbolise l’alliance opportuniste au sein de la gauche institutionnelle hexagonale : un indépendant « timide » (sa confidence en 2020) qui torpille le projet capitaliste du Yellow Park (nouveau stade du FC Nantes, financé par des intérêts privés polonais) pour ensuite intégrer l’appareil municipal. Cette trajectoire – de contestataire culturel à gestionnaire local – illustre la cooptation bourgeoise des énergies contestataires : en rejoignant la majorité PS-EELV, il choisit non la rupture, mais la « liberté de parole » au sein du système, évitant l’opposition.
Politiquement, son attachement à la Bretagne reste cosmétique : il sert à rééquilibrer symboliquement les « lieux de décision » sans menacer l’État français et la centralisation jacobine sur lesquels reposent les élites urbaines nantaises. Agent de la petite bourgeoisie progressiste, ni prolétaire, ni grand bourgeois, son écologisme et son régionalisme masquent une fonction stabilisatrice du point de vue des élites urbaines de gauche ; en gérant les « enjeux bretons » au sein d’une mairie PS, son rôle est de canaliser les revendications identitaires populaires.
La rupture nationaliste est également une rupture sociale
Le PNB de 2021 représente tout le contraire de ce que représente Le Teuff : une force neuve, structurée et dynamique qui redonne vie au nationalisme breton pour en faire une arme populaire. Le rassemblement du 25 octobre pour honorer Olier Mordrel, ce leader historique de l’indépendance, n’a rien d’un événement folklorique : c’est une démonstration publique de l’actualité du message national breton à travers la défense de notre identité ethno-nationale, des revendications claires et ambitieuses, et une idée force : “La Bretagne aux Bretons !”. Pour Le Teuff, c’est une menace existentielle au monopole politico-médiatique que sa catégorie sociale cherche à maintenir sur la question nationale bretonne.
Qualifier le PNB de « néo-nazi » permet de disqualifier l’ensemble du nationalisme breton comme « extrémiste » et de défendre le courant régionaliste intégré à la gauche française qui domine diverses villes bretonnes. En sollicitant le parquet macroniste, Le Teuff renforce l’appareil bourgeois, qui tolère le RN tout en neutralisant les nationalismes périphériques.
Socialement, cette stratégie répond à l’anxiété de légitimité de la petite bourgeoisie francophile : Le Teuff, et derrière lui l’établissement régionaliste de gauche, veut définir la « Bretagne acceptable » (verte, inclusive, cosmopolite) et faire taire le Bretagne réelle.
Psychologiquement, c’est une projection : le PNB, ancré dans les territoires qu’ils ont quittés, renvoie ces gens à leur posture de « Breton de salon ».
L’opération anti-PNB de Le Teuff n’est pas un accident : c’est la stratégie systémique d’une classe intermédiaire urbaine qui, par peur de la base, sabote les mouvements nationaux pour préserver l’hégémonie bourgeoise et celle de son État. Le 25 octobre, l’hommage du PNB doit devenir un point de cristallisation entre le mouvement authentiquement national et les contre-façons régionalistes dont se servent les partis français de gauche qui dominent actuellement la Bretagne.
Budig Gourmaelon
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