Tremblement de terre politique au Pays de Galles : les indépendantistes gallois devancent Farage et écrasent la gauche anglaise

Dans la nuit du 23 au 24 octobre 2025, l’annonce des résultats de l’élection partielle au Senedd (le parlement gallois) pour la circonscription de Caerphilly a fait l’effet d’une bombe. Pour la première fois depuis la création de la circonscription en 1999 – et pour la première fois en plus d’un siècle au niveau parlementaire britannique –, le bastion historique du Labour a été emporté par Plaid Cymru. Lindsay Whittle, conseiller local chevronné depuis près de 50 ans, a remporté 15 961 voix, soit 47,38 % des suffrages exprimés, avec une avance de 3 848 voix sur son dauphin. Le taux de participation, à 50,43 %, est le plus élevé jamais enregistré pour une telle élection dans cette zone industrielle des vallées du sud du Pays de Galles.

Ce scrutin, déclenché par la mort tragique du député travailliste Hefin David en août, n’était pas seulement une affaire locale : il s’est mué en test grandeur nature pour les dynamiques politiques galloises et britanniques, à six mois des élections générales au Senedd de mai 2026.

Une Victoire Historique pour Plaid Cymru : Les Racines d’un Triomphe

Plaid Cymru, le parti indépendantiste gallois (gauche), a transformé une campagne acharnée en un triomphe symbolique. Whittle, ému aux larmes lors de l’annonce, a dédié sa victoire à sa communauté d’origine ouvrière, promettant de « travailler comme un troyen pour chaque homme, femme et enfant » de Caerphilly. Le leader du parti, Rhun ap Iorwerth, a qualifié ce résultat de « réinitialisation de la politique galloise », affirmant que Plaid peut désormais « gagner n’importe où au Pays de Galles ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une hausse de 19 points par rapport à 2021, et un basculement de près de 27 % des voix du Labour vers Plaid.

Plusieurs facteurs expliquent cette percée. D’abord, une désillusion profonde envers le Labour, tant au niveau gallois qu’au Royaume-Uni. Les électeurs de Caerphilly, traditionnellement fidèles au parti ouvrier, reprochent au gouvernement d’Eluned Morgan – et par extension à Keir Starmer à Westminster – un manque de réformes concrètes en matière de santé (NHS gallois en crise), d’éducation et d’emploi. Les coupes budgétaires, les scandales de dons (comme celui ayant conduit à la démission de Vaughan Gething) et une perception de « gestion tiède » ont fracturé la base travailliste. Comme l’a noté un analyste de la BBC, « le Labour gallois est le plus performant quand il est à la fois gallois et travailliste » ; or, il a trop souvent semblé aligné sur Londres.

Ensuite, la force du candidat. Whittle, 72 ans, incarnation du militantisme local, a incarné une « vision positive pro-galloise » axée sur des solutions pragmatiques : investissements dans les vallées post-industrielles, défense de la langue galloise et priorisation des services publics dévolus. Plaid a su mobiliser un vote anti-Reform, avec des appels à l’espoir contre la « division ». Enfin, une campagne intensive – ap Iorwerth était le seul leader présent au dépouillement – a capitalisé sur un électorat jeune et rural urbain, où Plaid mène dans les sondages nationaux (30 % contre 29 % pour Reform).

Les Retombées pour les Impérialistes de Reform UK : Un Revers Stratégique

Reform UK, le parti populiste de Nigel Farage, visait un coup d’éclat : remporter son premier siège gallois et propulser son candidat Llŷr Powell comme fer de lance d’un « réalignement historique ». Avec 12 113 voix (35,9 %), ils décrochent une deuxième place honorable, multipliée par 24 par rapport à 2021 (où ils n’avaient que 495 voix). Farage, qui a multiplié les visites – posant même devant la statue de Tommy Cooper, icône locale –, avait investi massivement : bureau de campagne, fonds privés et rhétorique anti-immigration (« fin de l’agenda d’immigration massive du Labour et de Plaid »). Mais la défaite est cuisante. Malgré un sondage Survation les donnant favoris (42 % contre 38 % pour Plaid), Reform a buté sur un vote tactique massif en faveur de Plaid pour barrer la route à Farage.

L’immigration, thème central malgré sa faible pertinence locale (seulement 2,9 % des résidents nés hors du Royaume-Uni), n’a pas suffi face à la contre-attaque de Plaid sur les enjeux comme la santé. Pire, des fake news circulant sur les réseaux sociaux – prétendant une victoire prématurée de Reform – ont pu aliéner les indécis.

« Je ne pense pas que Reform s’intéresse à ce qui se passe ici. Ce ne sont qu’une bande de multimillionnaires venus d’Angleterre. » résumait un électeur gallois.

Pour les néo-impérialistes de Reform, souvent accusés de négliger les spécificités des nations du Royaume-Uni au profit d’un agenda centralisateur anglais, ce revers est un avertissement. Powell a minimisé : « Nous avons décimé le Labour », soulignant une « hausse météorique » de 1,7 % à 36 %. Pourtant, Zia Yusuf, tête pensante du parti, admet une « déception » : en PR (représentation proportionnelle) pour 2026, Reform pourrait encore grappiller des sièges, mais ce flop freine leur momentum au Pays de Galles. Farage, muet pour l’instant, voit son rêve d’un bastion dans les vallées s’éloigner, exposant les limites d’une stratégie « anti-élite » importée d’Angleterre.

Autres Leçons pour les Élections Futures au Pays de Galles et au Royaume-Uni

Au-delà du choc immédiat, Caerphilly laisse deviner un paysage politique redessiné, avec des implications pour 2026 et au-delà. Pour le Labour gallois, la chute à 11 % (3 713 voix, contre 46 % en 2021) est un signal d’alarme : perte de 35 points, troisième place humiliante. Eluned Morgan assume : « Nous écoutons la frustration sur le terrain » et promet d’accélérer les changements. Mais les analystes comme John Curtice y voient un « oui ferme » à la possibilité d’un troisième place nationale en 2026. Le parti minoritaire au Senedd (29 sièges sur 60) risque des budgets chaotiques sans alliances ; une défaite générale pourrait menacer Starmer lui-même.

Pour le Pays de Galles, la leçon est claire : les petits partis montent, les géants s’effritent. Labour et Tories totalisent 13 % (690 voix pour les conservateurs), illustrant un électorat lassé des duos traditionnels. Plaid Cymru, avec son ancrage local et anti-Reform, se positionne comme alternative viable, potentiellement au pouvoir via une coalition. Reform, malgré sa poussée, apprend que l’anti-immigration ne paie pas partout ; ils doivent adapter leur discours aux réalités des nations autonomes. Au Royaume-Uni, ce scrutin préfigure un « réalignement fondamental » : les régions périphériques comme les vallées galloises rejettent Westminster.

Pour les prochaines générales britanniques, il montre que Reform peut éroder le Labour (comme à Clacton), mais un vote tactique peut les contrer. Comme l’a dit Whittle : « Le monde regarde le Pays de Galles émerger et reprendre le contrôle de nos vies. » En somme, cette élection marque la fin d’une ère et l’aube d’une autre. Plaid Cymru rayonne, Reform trébuche, le Labour titube.

Recevez notre newsletter par e-mail !

By La rédaction

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

×